2015-05-03

"L’heure d’étai…"

Combien de fois par jour guettes-tu l’heure ?
Depuis que tu sais « lire » une montre,
combien de fois l’as-tu fait ?
Un nombre incommensurable !
Ta peur atavique de rater le temps
comme tu raterais un train,
comme si tu pouvais manquer celui-là
dont toujours entre en gare le prochain !
Tu te presses à la parade duodécimale
faire le tour du cadran,
ne perds pas une miette du défilé des trottantes :
ces semeuses en rond des mêmes cailloux blancs
déjà échelonnés au cycle précédent :
une ronde de lunes enchaînées,
tenues à l’œil massif de leur gardienne,
saisons après saisons qui se promènent
à sens unique dans la cour orbitale,
le long du mur étanche de la gravité.
Ô tu raffoles du manège à contretemps perdu d’avance,
l’écouter grincer ton quotidien
à intervalles qui scandent qui balisent chaque tournant de ta vie.
Mais n’est-il pas temps aujourd’hui
de te tourner la tête à un autre rythme ?
D’évincer la despote heure martiale
et passer à l’heure congénitale ?
De laisser les montres s’éteindre, se vider de leur temps,
puis au bout des aiguilles recueillir tout ce sang
pour perfuser ton cœur et serrer son ressort,
avant qu’il soit trop lâche ?
Tu ne voudrais quand même pas,
faute de l’avoir remonté,
parce que ça t’est sorti de la tête,
que ton vieux cœur s’arrête ?
Ne plus sentir l’oscillation faire grimper ton compte-jours ?
Perdre le fil de ton compte à rebours ?
Et, privé d’à présent, craindre d’être en retard
et te précipiter et arriver trop tôt
à ton dernier rendez-vous ?

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